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NOS ACTUS – PUBLICATIONS

Perles de la mer de Cortez

Sophie LEBLAN1, Aurélien DELAUNAY1, Emmanuel FRITSCH2

La maison Precious Color a fait don au Laboratoire Français de Gemmologie (LFG) d’une perle de culture à noyau (figure 1) et d’une perle mabé de couleur gris clair (figure 2) provenant de la mer de Cortez. Ce don a permis d’enrichir la collection du LFG afin d’obtenir des données supplémentaires pouvant être comparées aux données scientifiques publiées sur ces perles.

 

 

  

Les radios effectuées aux rayons X dans notre appareil RX solutions, Desktom 130, confirment que nous sommes bien en présence d’une perle de culture, le noyau mesure 6.5 mm de diamètre et l’épaisseur de la couche de nacre est de 1.72 mm environ. La perle mabé possède une couche de nacre allant de 0.83 à 2.36 mm d’épaisseur environ.

Figure 1 : Perle de culture à noyau de 6.01 ct d’un diamètre de 9.50 mm
Radio de la perle et épaisseur de la couche de nacre : 1.72 mm env.

Le nom Pteria sterna est le nom scientifique du coquillage. La couleur dans la masse de la perle est très souvent brune, plutôt que grise comme les deux échantillons étudiés. Les perles de moindre valeur, notamment les perles naturelles ramenées par les pécheurs de la mer de Cortez sont souvent sans irisations (W. Larson, communication personnelle, 2006). Par contre, les perles de haute qualité montrent des couleurs d’irisation exceptionnellement intenses. La coquille ne dépasse pas les 13 cm, et le mollusque est très résistant aux variations de température et à la salinité des eaux du Golfe de Californie. Ce mollusque a une espérance de vie de cinq ans maximum (Reyjal, 2012).
Les coquilles de Pteria sterna (figure 3) peuvent montrer une iridescence parmi les plus intenses des coquillages perliers. Les couleurs d’interférence varient en teinte selon une séquence caractéristique connue sous le nom de série de Newton. Lors de la traversée de la nacre par la lumière blanche polarisée, le front d’onde de cette lumière blanche se sépare et on observe alors des interférences qui génèrent des couleurs spécifiques qui dépend de la biréfringence et de l’épaisseur de la nacre, et qui différent de celle de l’arc en ciel. (Levy, 1888).
Un phénomène intéressant de l’iridescence est qu’habituellement, on distingue une ou deux couleurs dominantes comme le vert et le rose pourpre. La teinte des couleurs dominantes change avec l’angle de vue et/ou la direction d’éclairage. Ceci est dû à la qualité maximale de la structure en réseau des plaquettes d’aragonite qui change avec les conditions optiques, y compris l’angle de vue et la direction de l’éclairage (Liu et al., 2003). Les irisations des perles de Pteria sterna, comme pour toutes les perles, proviennent des interférences de la lumière visible sur les couches successives d’aragonite et matière organique que constitue la nacre. La couleur produite dépend de la régularité de cet assemblage, de l’épaisseur des cristaux, ou de la variation régulière de l’épaisseur des couches.

La ferme perlière de Bacochicampo Bay (baie du serpent à sept têtes, figure 4) localisée sur le campus universitaire de Monterey (Guayamas, Mexique) est située sur le bord Est du Golfe de Californie, aussi connu comme mer de Cortez. Depuis 1968, elle s’est spécialisée dans l’aquaculture et la biologie marine, et est la seule au monde à utiliser en perliculture, la Pteria sterna « aux lèvres arc-en-ciel ». Du point de vue historique, cette région du monde fut la première avant Tahiti à livrer des perles noires naturelles. Hernan Cortès et son équipage les ont vues pour la première fois en 1534, lors de la découverte de la péninsule (Bari, 2009).

Figure 3 : Coquille de Pteria sterna (collection Martine Philippe) avec les deux perles analysées

Figure 4 : Bacochicampo Bay, Institut Technologique et d’Etudes Supérieures de Monterrey, Guaymas, Golf de Californie (google)

La ferme perlière n’utilise que des mollusques provenant de stations d’élevage d’une taille minimale de 7 cm. La nacre du coquillage est utilisée localement pour faire des boutons et des objets décoratifs. La chair est vendue sur les marchés locaux sous le nom de « callo » et est considérée comme un met délicat (Strack, 1983).

Les mabés, en règle générale, sont plus faciles à obtenir que les perles isolées. Pour les Pteria sterna, chaque coquille peut en produire jusqu’à trois simultanément. Le procédé de culture est classique : la demi-perle récoltée est découpée et remplie de résine. Les irisations de ces perles mabés sont extrêmement prononcées (Reyjal, 2012).

Pour les perles isolées, dans un premier temps, les huîtres issues de naissains sauvages sont toutes récoltées au bout de 2 années. Avant l’implantation des noyaux dans la gonade, elles sont radiographiées. Celles qui contiennent des perles naturelles (environ 3%) ne sont pas implantées. Ces perles seront vendues comme « naturelles » bien que poursuivant leur croissance dans un environnement contrôlé.
Les huîtres implantées avec des noyaux sont remises à l’eau et cultivées pendant 18 à 24 mois. Le diamètre des perles de culture varie de 8 à12 mm, l’épaisseur de la nacre de 0,8 mm à 2 mm. Les perles sont brunes à grises dans la masse. Leurs couleurs d’iridescence sont très marquées et très variées, avec par exemple le rouge dit « cranberry ». Leur lustre est un peu plus soyeux que celui des perles de Tahiti. Contrairement à la plupart des autres perles de culture, elles ne sont traitées d’aucune manières & Institut des Matériaux Jean Rouxel (IMN-CNRS) BP 32229 44322 Nantes Cedex 3

La particularité des perles de Pteria Sterna de la mer de Cortez est la fluorescence rose-rouge due à la porphyrine (figure 5) sous le rayonnement ultraviolet de longueur d’onde de 365 nm (UVL) (lampe VL-6LC – 2 tubes de 6W – 230V 50/60HZ). Elles sont inertes sous un rayonnement ultraviolet de courte longueur d’onde (254 nm : UVC).

En plus de leur luminescence, les perles de Pteria sterna sont différenciables des perles de Pinctada margaritifera grâce à la spectrométrie UV – Visible. La réalisation des spectres UV-Visible en réflectance sur un spectromètre JASCO V670 à température ambiante de nos deux échantillons permet d’identifier leur espèce. En effet, les perles de Pinctada margaritifera ont une absorption à 700 nm qui n’apparaît pas pour les perles de Pteria sterna (Karampelas, 2012) (figure 6). On observe de légères différences d’absorption entre nos deux perles, néanmoins les deux fenêtres de transmission vers 403 et 540 nm sont bien présentes, confirmant qu’elles proviennent de Pteria sterna.

Figure 6 : Spectres UV-Visible en reflectance de nos deux échantillons de perles de Pteria sterna. La Pteria sterna n’a pas d’absorption visible à 700 nm, à la différence du spectre d’une perle de culture de Pinctada margaritifera

Une analyse chimique a été effectuée avec un spectromètre de fluorescence X à dispersion d’énergie de marque RIGAKU, modèle NEX CG. La composition chimique des perles de culture du golfe du Mexique est similaire à celle des autres perles de culture d’eau de mer avec la présence de calcium dominant et de strontium en impureté, en quantité variable selon les échantillons. Le manganèse est absent de nos analyses, même si des traces ont été détectées dans quelques perles d’eau de mer (Gutmannsbauer et Hänni, 1994)

La faible quantité de perles produites chaque année, la couleur et l’orient si caractéristiques de ces perles de culture en font des perles très prisées et pourtant peu décrites dans la littérature. Un quart des perles sont rondes sinon baroque ou semi-baroque. La ferme met en vente chaque année entre 8 et 14 perles fines d’un diamètre compris entre 3 à 5 mm. Il faudra donc compter sur plusieurs années pour constituer un collier homogène en couleur et en qualité. Cette perliculture artisanale répond à un véritable souhait de protéger l’environnement et l’espèce, il sera donc tout autant difficile d’obtenir des colliers de perles de culture de Pteria sterna. Grâce au don de la maison Precious color, nous avons pu nous replonger dans l’histoire des perles de Cortez et de leur destin unique.

Cette perliculture artisanale répond à un véritable souhait de protéger l’environnement et l’espèce, il sera donc tout autant difficile d’obtenir des colliers de perles de culture de Pteria sterna. Grâce au don de la maison Precious color, nous avons pu nous replonger dans l’histoire des perles de Cortez et de leur destin unique.

 

Bibliographie :
Bari H., 2009, Perles, Skira, pp 309 -311
Gutmannsbauer W & Hänni H. A, 1994, Structural and chemical investigations on shells and pearls of nacre forming salt and freswater bivalve molluscs, Journal of. Gemmology., vol. 24, n°4, pp. 241 – 252
Karampelas S., 2012, Spectral characteristics of natural color saltwater cultured pearls from Pinctada maxima, Gems & Gemology , vol. 48, n°3, pp. 193 – 197
Levy M., 1888, Les minéraux des roches, (voir Tableau des biréfringences), Librairie Polytechnique Baudry, Paris, 334 p
Liu Y., Hurwit K. N., Tian L., 2003, Iridescence of a shell of Pteria Sterna (Gould 1851) : An optical and structural Investigation, Zeitschrift der. Deutschen. Gemmologischen Gesellschaft, vol. 52, n°4 , pp. 145 – 149
Reyjal I., 2012, Perles de culture de la mer de Cortez: les belles inconnues. Revue de Gemmologie AFG n°179, pp. 17 – 22
Strack E., 2006, Pearls, Rühle-Diebener-Verlag, 707 p

1 Laboratoire Français de Gemmologie, 30, rue de la Victoire, 75009 Paris
2 Université de Nantes & Institut des Matériaux Jean Rouxel (IMN-CNRS), BP 32229, 44322 Nantes Cedex 3

FERMETURE HIVERNALE DU LABORATOIRE FRANÇAIS DE GEMMOLOGIE

Le laboratoire sera fermé du 25 décembre au 2 janvier inclus.

Il rouvrira ses portes le mercredi 3 janvier 2024.

Toute l'équipe du LFG vous souhaite de belles fêtes de fin d'année.

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